Chant Mozarabe

Durant la période féodale, Colombier appartenait à la terre de Vullierens qui relevait elle-même de la baronnie de Cosonnay. Une famille noble de Colombier existe en 1222 et c’est d’elle qu’est sans doute issu Girard, donzel deVillars-le-Terroir vivant en 1281 acquit la terre de Colombier. Ses fils, Jacques et François prirent le nom de Colombier.

Humber, le fils de François, épousa Guillemette de Duin, fille du seigneur de Vullierens, réunissant ainsi deux seigneuries. Il fut plusieurs années bailli de Vaud pour le compte de la Savoie. En 1384, il mena les troupes qui emportèrent la victoire au siège de Sion (le comte de Savoie avait alors porté secours à son parent l’évêque en difficulté avec ses diocésains). Umbert mourut en 1385.

Henri de Colombier, fils de Humbert, fut le personnage le plus éminent de sa maison. Seigneur de Colombier, Vullierens et Vufflens-le-Château, c’est lui qui fit édifier le château de Vufflens vers 1420. Châtelain de Morges, chancelier de Savoie, capitaine du Piémont, bailli de Vaud. Il fut l’ami et le conseiller du duc de Savoie Amédée VIII (1383-1451) devenu pape sous le nom de Félix V. Henri de Colombier partagea ses biens entre ses deux fils Guillaume et Richard et se retire avec le duc au château de Ripaille, ou il mourut vers 1444.

Humbert, fils de Guillaume, devint seigneur de Vullierens et de Colombier et eut trois fils. Le second, Jean-Donat, fut seigneur de Colombier et écuyer de l’hôtel du duc de Savoie. C’est probablement lui qui remplaça vers l’an 1500 l’ancien château par une nouvelle construction, à l’emplacement du château actuel. C’est lui également qui fit construire la magnifique chapelle gothique de l’église de Colombier, demeurée jusqu’en 1896 la chapelle du château.

La nièce de Jean-Donat, Marguerite de Colombier, dernière représentante de la famille épousa en secondes noces François d’Allinges, seigneur de Coudrée, Monfort et autres lieux, qui devint ainsi seigneur de Colombier et de Vullierens. Les Colombier conservèrent ainsi la seigneurie de leur nom jusqu’au milieu du XVIème siècle; puis les terres passèrent successivement aux d’Allinges, à Nicolas de Joffrey, seigneur de Dully, aux Crinsoz, seigneurs de Cottens, à la ville de Lausanne, aux de la Harpe, aux Gaulis, aux Durussel et aux Loeffel.

 

La tour gothique

Nous ignorons l’emplacement exact de l’ancien château. Seule une investigation archéologique pourrait amener des éléments d’informations sérieux sur ce bâtiment. Quant à l’édifice construit en 1500 par Jean Donat de Colombier à l’emplacement actuel, il a été profondément remanié au XVII et au XVIIIème siècle. C’est à cette époque que l’on a construit le vaste corps de logis actuellement habité et en très bon état[1].

De la construction de la fin du XVème siècle, il reste une partie de l’enceinte, une tour carrée (appelée le “Petit château”) qui a été rénovée et ne présente pas de particularité notable, un ancien rural, la façade du couchant et la tour heptagonale de l’escalier, magnifique témoignage architectural du style gothique flamboyant[2].

Cette tour ou plutôt ce qu’il en reste, constitue l’élément emblématique du château de Colombier. Les tours polygonales, servant de cages d’escalier et datant de la même époque ne sont pas rares dans le canton de Vaud. Cependant, celle de Colombier est sans doute unique dans le canton de Vaud puisque heptagonale[3].

Il est difficile de définir les raisons de ce choix architectural. Plus haute à l’origine, son toit actuel n’est qu’une prolongation de la pente du toit du nouveau château auquel elle se trouve intégrée avec plus ou moins de succès.

La façade de cette tour et plus particulièrement l’encadrement de la porte est une œuvre de la fin de l’époque gothique et appartient au gothique flamboyant. La molasse, dont les blocs en grand appareil[4] sont tirés, a subi les outrages du temps mais les différents éléments sont encore très reconnaissables. L’archivolte s’est malheureusement désagrégée sur une hauteur de 2,10 mètres au niveau du piédroit. Très classique, le fenestron permet d’éclairer la deuxième révolution de l’escalier à vis.

Les fondations de cette tour sont en granit, pierre assez commune dans la région comme la molasse précédemment citée.

La porte elle-même est surmontée d’une grande accolade, enrichie de feuillages sculptés. Dans le tympan, les armes de la famille de Colombier sont encadrées par deux personnages tenants des banderoles. Au-dessus, des pigments de peintures bleu, blanche et ocre laissent également deviner les armes de la famille.

Au-dessous figure une inscription en latin :Si ergo me queritis, sinite hos abire. Il s’agit d’une citation de l’Évangile selon Saint-Jean, au verset 8 du chapitre 18 : Jésus dit à ceux qui viennent l’arrêter : Si donc c’est moi que vous cherchez, laissez aller ceux-ci.

Au-dessus de l’accolade, la statue d’un chevalier, adossé au mur, s’élève jusqu’à la corniche. S’agit-il d’Henri de Colombier ou de Jean Donat, impossible à définir ? Le blason sur la poitrine du personnage est effacé et son écu ne porte plus d’inscription.

La base d’une ancienne échauguette subsiste à l’intersection de la tour et du mur du nouveau château. Était-elle accolée à une courtine de l’édifice de 1500, difficile à dire ?

L’intérieur de la tour a perdu son escalier à vis d’origine et une volée de marches neuves sont venus permettre d’accéder au premier étage, à mi hauteur de la tour. Aucun autre témoignage d’époque n’a subsisté.

A noter également sur l’arrière de l’édifice, du côté du Nord Ouest, les vestiges d’encadrements de quatre fenêtres en molasse, témoins de l’ancienne façade et indices permettant d’envisager l’axe du bâti fortifié. Ces larges fenêtres étaient destinées à faire entrer de la lumière et n’avaient aucun rôle défensif, preuve qu’elles s’ouvraient vers l’intérieur du château, certainement dans une cour intérieur, alors que les éléments défensifs, meurtrières et échauguette, s’articulent du côté de la tour gothique.

par C. Vuilleumier



[1]A signaler dans l’appartement supérieur une très belle cheminée d’époque, intacte.

[2]A l’intérieur de la tour subsistent les restes d’une fresque représentant un pape avec sa tiare; vraisemblablement Amédée VIII de Savoie, élu en 1439 sous le nom de Félix V, et dont Henri de Colombier fut l’ami et le conseiller. Il n’a pas été possible de photographier cette œuvre qui a fait l’objet d’une restauration en 1986.

[3] Bien que relativement rares, il existe en France plusieurs tours de ce type : la tour médiévale heptagonale de Larroque-Engalin dans le département du Gers, la tour Heptagonale du château de Pouancé dans le département de Maine-et-Loire, la tour de la Clauze dans la Haute-Loire, la tour heptagonale de Saint-Maime dans le département des Alpes-de-Haute-Provence.

[4]Il faut signaler que cet opus diffère largement des petits moellons qui constituent les murs des bâtiments anciens du village, contemporains du château de 1500.

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