Par le biais d’une enquête demandée à un historien, les héritiers de la famille Quandt, propriétaire de BMW, et ceux de Ferdinand Hugo Boss brisent le tabou sur leur passé nazi.
Soixante-dix ans après, deux grands noms de l’économie allemande tentent de solder les comptes de leur passé nazi: la famille Quandt, richissime propriétaire de BMW et la griffe de prêt-à-porter Hugo Boss. Loin d’être une «victime des nazis», comme il a voulu le faire croire à la sortie de la guerre, Günther Quandt, patriarche d’une des familles les plus riches d’Allemagne, «faisait partie du régime», assène le rapport commandé à un historien indépendant. Publiée fin septembre, l’enquête de Joachim Scholtyseck écorne sérieusement l’image du fondateur de cet empire industriel et de ses fils, Herbert et Harald. Dans ses usines, Günther Quandt a exploité parfois jusqu’à la mort plus de 50.000 travailleurs forcés, prisonniers de guerre et de camps de concentration, pour fabriquer armes et batteries indispensables à Hitler.
Son ex-femme a épousé Goebbels
Entrepreneur «sans scrupules», il a prospéré pendant le nazisme, en profitant pour spolier des entrepreneurs juifs et transformer son affaire en empire industriel. Il était, certes, en froid avec Joseph Goebbels, mais pour des motifs personnels: après leur divorce, sa femme Magda avait épousé le chef de la propagande d’Hitler et élevait leurs enfants auprès de lui. Son fils Herbert, l’une des figures du patronat allemand lors du «miracle économique» de l’après-guerre, en prend aussi pour son grade. Il a eu recours à des travailleurs forcés alors qu’il dirigeait l’une des entreprises du groupe à Strasbourg et, à la fin de la guerre, il a même chapeauté la construction d’un baraquement pour des prisonniers de camps de concentration à Sagan, dans l’actuelle Pologne, révèle l’historien. Forts de ce travail, les petits-enfants Quandt, à la tête d’une fortune estimée à 20milliards d’euros, parlent aujourd’hui d’exercice «de transparence» et expriment leurs «regrets profonds» du travail forcé, mais ne se résolvent pas à condamner leur grand-père. «Nous aurions aimé qu’il soit différent», a déclaré Gabriele Quandt, au journal Die Zeit.
Des uniformes aux SS
Du côté d’Hugo Boss, pas d’histoire de famille mais le souci de couper court aux «déclarations vagues sur son passé». Une rumeur embarrassante voulait que son fondateur fût le «couturier préféré» d’Hitler. Ferdinand Hugo Boss a bien fourni le parti nazi en chemises brunes, dès 1924. Après la crise de 1929, il a adhéré au parti, et pas seulement pour pouvoir fournir la Wehrmacht et les SS en uniformes. Pour solder le passé, le fabricant de prêt-à-porter a «présenté ses profonds regrets» d’avoir employé 140 travailleurs forcés, dont une majorité de femmes et 40 prisonniers de guerre français.
par le Télégramme.com, 29/09/2011
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